Revue: Peter Mattei & David Fray « Le Voyage d’Hiver», la beauté de l’âme – Paris 26-01-23 (TCE)

La beauté de l’âme

Dès « Gute Nacht », la clarté de la ligne de chant, la perfection du legato, la longueur du souffle saisissent. Le timbre, absolument inaltéré, continue de dispenser des harmoniques à foison, écrin de velours aux graves moelleux et aux aigus toujours clairs, encore juvéniles.

Par Clément Taillia | lun 30 Janvier 2023 | Imprimer

L’affaire semble entendue : dans le Lied, il y a les chanteurs qui seraient d’authentiques spécialistes, et ceux qui, venant de l’opéra, le chantent par exception, pour ne pas dire pas effraction. Les premiers sont des intellectuels austères et sourcilleux. Les seconds, des comédiens, prompts à verser dans une théâtralité plus extérieure. Classification un peu rapide, qui ne rend jamais justice aux meilleurs représentants de ces deux bords et qui relève avant tout d’un malentendu sur ce qu’est le Lied : de la poésie en musique, certes, mais qui peut porter autant d’intensité dramatique que l’opéra – lequel ne requiert pas forcément des histrions grandiloquents. Avec Peter Mattei, les frontières se trouvent, ainsi, magnifiquement brouillées. Dans aucune de ses incarnations scéniques, que ce soit chez Mozart, chez Tchaïkovski, chez Wagner, chez Verdi, le baryton suédois n’a pu être pris en défaut d’élégance ou de justesse stylistique. Et son Winterreise porte avant tout la même exigence de musicalité. Dès « Gute Nacht », la clarté de la ligne de chant, la perfection du legato, la longueur du souffle saisissent. Le timbre, absolument inaltéré, continue de dispenser des harmoniques à foison, écrin de velours aux graves moelleux et aux aigus toujours clairs, encore juvéniles. La technique permet de jouer sur tout le clavier des nuances, en gardant intacte l’intégrité du son, qui ne se débraille pas dans le forte ni ne détimbre dans le piano.

Pure jouissance vocale ? Non, car ce qui nous est donné ici, c’est, comme l’écrivait Victor Hugo, « la beauté de l’âme qui se répand comme une lumière mystérieuse sur la beauté du corps » (ou de la voix, ajoute…

SIUITE

David Fray

Jakub Józef Orliński, de Purcell à Karłowicz – Verbier

Par Charles Sigel | dim 24 Juillet 2022 | Imprimer

Bien sûr qu’il est délicieux. Il lance des sourires ravageurs et des œillades caressantes. Et cela suscite beaucoup d’émotion dans l’assistance, côté femmes et coté hommes aussi… Il a beau avoir mis un costume grisâtre de clerc de notaire, il dégage un troublant érotisme, physique autant que vocal. Quand il déboutonne sa veste, certains souffles se suspendent… Et quand, après son air d’entrée, il lance un « Hi ! Verbier » espiègle, l’église frémit (car ce cérémonial se déroule à l’Eglise de Verbier, un matin déjà torride).

Moiteur et vocalises

L’autre érotisme, celui de la voix, est tout aussi évident et la suite de cet article sera moins frivole, comme il convient à un site aussi digne que Forumopera. Encore que l’érotisme dégagé par les voix et certains chanteurs et certaines chanteuses fait partie depuis l’origine des plaisirs fondamentaux du lyrique.

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L’INSTANT LYRIQUE de Michael Spyres – Paris (Gaveau)

Par Christophe Rizoud | mar 05 Octobre 2021 | Imprimer

Baryton ou ténor ? Michael Spyres se plaît à flatter l’ambiguïté d’une voix dont on ne sait que dire de plus à trop en avoir parlé.

Baryton, l’essentiel du programme de ce premier récital parisien – Mozart par deux fois, Rossini, et aussi de manière inattendue une partie des Nuits d’été, dût le changement de tessiture entre les numéros rompre l’unité du cycle et la poésie du « Spectre de la rose » se diluer dans une eau sombre. Abordé pour la première fois en concert, le chef-d’œuvre mélodique de Berlioz est galop d’essai qu’il conviendra de transformer. Un enregistrement est prévu, chez Warner Classics évidemment. Le Comte des Noces, lui, survient d’emblée. D’un regard, d’un geste, de la façon dont la note est mordue dans un italien sans bavure, le personnage se dresse arrogant, rageur, évident. Figaro aurait pu moins surprendre. Spyres l’a déjà étrenné face aux caméras de télévision lors des dernières Victoires de la Musique. Le factotum n’en est que plus irrésistible, en voix de basse ou de fausset pour contrefaire le cavalier impatient ou la précieuse forcément ridicule, le tout dans un débit étourdissant, agrémenté d’œillades, de coups de manche histrioniques en accord avec une musique dont on mesure plus que jamais la force comique. L’aubade de Don Giovanni en paraîtrait presque fade si Ramiro ensuite ne confirmait l’incroyable versatilité de l’artiste – et ne rappelait au passage l’excellence de son français.

Ténor, « Absence », toujours dans Les Nuits d’été, avec ces « reviens » hypnotiques, à chaque fois variés, lancés à pleine poitrine ou exhalés en voix mixte, et le Postillon de Lonjumeau dressé sur son contre-ré comme un coq sur ses ergots, puis en bis, …

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